Après les déboires qu’ont eus les propositions législatives du président colombien, Ivan Duque, ces derniers mois, un nouveau projet législatif présidentiel a suscité un rejet immédiat, sans qu’il y ait encore des détails à son sujet. Il s’agit de la «loi anti-vandalisme», qui est déjà considérée par l’opposition comme un mécanisme visant à criminaliser et à restreindre les protestations.
Le président colombien a demandé au Congrès de débattre d’une «loi moderne anti-vandalisme et anti-émeutes» lors de la prochaine législature, qui débute le 20 juillet, deux mois après le début des manifestations anti-gouvernementales qui ont été marquées par des allégations de violations des droits de l’homme par les forces de sécurité de l’État, explique Nathali Gómez dans un reportage pour RT.
Lors de la cérémonie de promotion du Directeur de la Police Nationale, Jorge Luis Vargas Valencia, à l’Ecole de Police General Francisco de Paula Santander de Bogota, Duque a appelé à un «rejet clair de la violence et du vandalisme». Il y a quelques jours, la promotion de Vargas Valencia a été approuvée au Sénat avec 66 voix pour et deux contre, l’opposition s’étant retirée de la séance parce qu’elle considérait que le fonctionnaire était responsable des excès commis par la Force Publique.
Que sait-on de la proposition ?
Lors de son discours, le président colombien a appelé à «une discussion claire, participative et délibérative» sur la différence entre une manifestation pacifique et une manifestation accompagnée d’actes de vandalisme. Il a également fait référence au «projet de loi sur le statut disciplinaire de la police», qu’il présentera également au Parlement le 20 juillet, et qui a été qualifié par ses opposants de «changement cosmétique» tardif face à la demande non satisfaite de dissolution de l’Escadron Mobile Anti-Emeute (Esmad), dont les actions pour contenir les manifestations ont été fortement remises en question par des organisations nationales et internationales.
«Il est très important de différencier ce qui relève de l’expression pacifique et ce qui relève du vandalisme et du terrorisme urbain de basse intensité», a déclaré Duque, qui a appelé à faire face à ces pratiques qui «violent les droits» avec «toute la capacité institutionnelle, l’État de droit et l’adhésion aux droits de l’homme».
Duque a appelé à «rejeter la stigmatisation» et a déclaré que «la grande majorité des manifestations sont pacifiques», de sorte que quiconque exerce son droit de manifester ne peut être traité de vandale. «Vous devriez vous sentir protégé dans un État démocratique», a-t-il ajouté. Cependant, différents collectifs sociaux qui participent aux mobilisations ont dénoncé les agressions des autorités et des groupes civils armés, même contre des personnes qui ne participent pas aux activités de rue.
«Ceux qui détruisent les infrastructures, les transports publics, tentent de détourner les bus et d’entraver le passage, sont appelés des criminels et sont confrontés tels qu’ils sont», a-t-il déclaré. De même, il a affirmé que «ceux qui se posent en tribunes morales et en positions publiques» pour insulter «ceux qui servent la patrie» devraient faire l’objet d’une enquête et être punis, ce qui semble ouvrir la porte à des actions contre ceux qui dénoncent les excès des forces de sécurité.
Alors que Duque a laissé cette proposition de loi sur la table, selon les chiffres officiels, les faits des violences lors des manifestations ont été minoritaires. Le registre du ministère de la Défense, dont dépend la police, montre qu’il n’y a eu des troubles que dans 1.527 des 13.433 activités de rue, ce qui signifie que 11.906 étaient pacifiques. Il n’y a donc eu des troubles de l’ordre public que dans 12,8 % des manifestations.
De leur côté, les participants aux manifestations ont répété que lorsqu’il n’y a pas eu d’action de la part de l’Esmad, il n’y a pas eu d’incidents violents, c’est pourquoi l’une des demandes pour s’asseoir et discuter avec le Comité de Grève, le principal coordinateur des manifestations, était leur retrait des zones de manifestations.
Réactions en Colombie
Bien que la nouvelle période législative débute le 20 juillet, les membres de l’opposition au Congrès ont déjà désavoué la proposition de Duque.
Iván Cepeda, sénateur du Polo Democrático Alternativo, a partagé sur ses réseaux une courte vidéo où il affirme que le gouvernement sait que le Code Pénal contient suffisamment de dispositions contre les émeutes et le vandalisme et que son objectif est de «créer une norme à travers laquelle la mobilisation sociale légitime est censurée, coupée et même interdite de manière pacifique».
Selon lui, le Gouvernement Colombien «sait que par la violence il n’a pas pu mettre fin à la juste indignation» et que l’initiative devrait être le dialogue, que le Comité de Grève a unilatéralement suspendu parce qu’il a estimé que ses demandes de s’asseoir pour négocier n’avaient pas été satisfaites.
Sergio Marín, représentant à la Chambre des Représentants du Parti Comunes, né après la signature de l’accord de paix entre le gouvernement et les anciennes Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), a déclaré sur son compte Twitter que le président «cherche à réprimer les droits constitutionnels fondamentaux tels que le droit de manifester» afin de «protéger juridiquement la répression violente contre les jeunes».
Dans le même ordre d’idées, María José Pizarro Rodríguez, représentante à la Chambre des Représentants de la Coalition d’Opposition Decentes, a qualifié la proposition présidentielle de «ouvertement illégale» et a ajouté «qu’insister sur la militarisation et la criminalisation de la protestation sociale ne fait que démontrer l’incapacité et le manque de vision».