La France a commencé 2020 enveloppée dans une explosion sociale d’envergure et dont on ne voit pas une solution rapide. La grève déclenchée par un projet de réforme du système des pensions, qui a débuté le 5 décembre dernier et touche notamment les chemins de fer et les transports publics dans la région de Paris, il reste debout et menace de s’étendre à d’autres secteurs.
Dans son discours du Nouvel An, le président Emmanuel Macron a défendu sa réforme controversée, qu’il a qualifiée de « projet de justice et de progrès social », tout en demandant à son cabinet de négocier rapidement un engagement avec les syndicats, il n’a mentionné aucune mesure concrète pour y parvenir, ni expliqué ce qu’il offrira aux travailleurs.
Dans une tentative vaine de réduire les tensions, le locataire de l’Élysée a proposé que « l’apaisement soit imposé à l’affrontement ».
Le Mandataire a insisté sur le fait que la France ne peut renoncer à se transformer et que l’initiative apporte « plus d’équité » et qu’elle est supposée profiter à des groupes oubliés ou maltraités par le régime actuel, dont les femmes.
Macron a dénoncé le fait que dans le débat il y a « beaucoup de mensonges et de manipulations », et qu’il est convaincu qu’il portera sa proposition de réforme jusqu’au bout, de sorte qu’il ne cédera rien face au « pessimisme ou à l’immobilisme ».
Polémique réforme des pensions
Le Mandataire est resté ferme sur les points fondamentaux de la réforme impopulaire et controversée qui se dessine depuis sa campagne présidentielle visant à mettre en place à tout prix un système universel de pensions visant à fusionner les 42 régimes de retraite qui existent dans un système unique par points et repousser de deux ans l’âge de la retraite de 62 à 64 ans pour recevoir une pension complète.
Le plan universel de retraite de Macron, basé sur d’autres exemples comme le suédois, prévoit la mise en place d’un système unique de points dans lequel un euro versé représente les mêmes droits pour tous les citoyens, et que, par l’intermédiaire d’un compte virtuel, les travailleurs accumulent ces points au cours de leur vie professionnelle et à la fin de celle-ci, le nombre résultant soit converti en pension par le calcul de la valeur du point.
La différence est radicale, car dans le modèle français actuel, les retraites sont financées par les cotisations versées par les travailleurs. Celles-ci sont ensuite distribuées par l’État aux cotisants. Dans le système par capitalisation proposé par Macron, c’est le capital accumulé par les travailleurs qui finance la retraite.
Pour de nombreux Français, la proposition gouvernementale n’est pas tout à fait claire en raison du peu d’informations disponibles et engendre plus de doutes et d’incertitudes que de certitudes.
Par exemple, pour ceux qui font partie du schéma 42 “régimes spéciaux” de pensions, selon leur métier ou leur profession, il est catastrophique de penser que le nouveau schéma les obligera à retarder leur retraite à 64 ans, depuis l’actuelle 42, elle a un danseur de l’Opéra, celle de 52 d’un conducteur de train ou même celle de 62 ans établie pour un professeur.
En outre, ils mentionnent le point des pertes économiques pour les retraités, parce que la cotisation est basée sur une moyenne, le produit de toute la vie professionnelle et non sur les six derniers mois de travail, qui sont généralement les mieux payés, c’est précisément le schéma actuel auquel les travailleurs ne veulent pas renoncer.
Pour couronner le tout, la proposition macroniste a été critiquée lorsque le haut-commissaire, Jean-Paul Delevoye, chargé de la promouvoir, a dû démissionner après que les médias lui eurent rappelé qu’il y avait « oublié” » déclarer 13 chefs d’accusation, dont certains honorifiques, mais enfin rémunérés.
De même, en pleine crise sociale contre sa réforme de la retraite, Macron n’a pas trouvé mieux que de renoncer à sa pension de chef d’État une fois son mandat terminé, ce qui a été reçu comme une véritable humiliation par des milliers de français.
Le peuple français considère que Macron a largement les moyens de renoncer à une pension mensuelle de 6200 euros, mais qu’il n’en est pas de même pour la majorité de ses concitoyens.
«Les gens savent que ce n’est pas un sacrifice très important. Il est évident que s’il n’est pas réélu, il quittera l’Élysée à 44 ans et exercera évidemment une profession qui lui permettra de percevoir une retraite largement confortable à la fin de sa vie», a déclaré l’historien Jean Garrigues, cité par La Nación.
Une grève sans fin
Les syndicats protestent contre le projet de réforme des pensions de Macron, car il prévoit l’abolition des régimes spéciaux de secteurs tels que le rail, qui est vital pour la société française.
En réponse à ce projet, une grève générale indéfinie a commencé le 5 décembre, paralysant une grande partie des transports et déplaçant des centaines de milliers de manifestants dans les rues des grandes villes françaises, de différents milieux professionnels.
Plusieurs journées de manifestations, d’arrêts de trains, de mètres et d’autobus ont été enregistrées.
Les membres de l’Opéra de Paris ont même donné un concert à l’extérieur du siège de l’Opéra de Paris, en signe de protestation contre cette réforme, et les danseurs ont entouré l’extérieur de l’enceinte représentant un fragment de la pièce mondialement connue « Le Lac des Cygnes ».
Cette action était une manière de dénoncer que l’Exécutif impose la réforme en faisant un «théâtre» avec les négociations et que le nouveau schéma efface le régime spécial dont jouissent les membres d’une institution culturelle, qui est l’un des plus anciens de France, accordé par le roi Louis XIV en 1698, et qui permet aux danseurs de prendre leur retraite à l’âge de 42 ans et aux musiciens 60 ans.
Plusieurs travailleurs de l’Opéra sont mêmes en grève depuis deux semaines et plus de 50 présentations ont été annulées, avec des pertes supérieures à 8 millions d’euros (environ 9 millions de dollars).
Protestations pour le nouvel an
À la veille de l’arrivée de 2020, le chef de l’État devait ouvrir la voie à des négociations possibles, mais ses paroles du nouvel an ont fermé cette perspective.
Le mouvement a paralysé les services de trains et de métro dans tout le pays pendant la période de Noël et du nouvel an. Les interruptions se poursuivent pendant la première semaine de janvier.
Avec le blocage des terminaux de bus, tant dans la capitale que dans d’autres localités, les graves dommages dans les transports publics sont évidents, avec moins de la moitié des trains internationaux et entre régions et villes circulant.
Le métro parisien maintient le scénario difficile qui le caractérise depuis le 5 décembre, avec seulement deux des 16 lignes fonctionnant normalement, toutes deux automatisées (1 et 14).
Le refus de Macron de ne pas écouter ses revendications et de réprimer les manifestations par des gaz lacrymogènes a amené les syndicats à réaffirmer leur décision de ne pas céder.
Un nouveau cycle de négociations avec le Gouvernement doit avoir lieu mardi prochain, sous la menace d’une autre grande journée de mobilisations dans la rue, le 9 janvier.
Le collectif SOS Pensions, qui regroupe des membres de professions telles que les avocats, les physiothérapeutes, les infirmiers indépendants ou les comptables, tous concernés par la réforme, a déjà annoncé qu’il soutiendrait les arrêts.
Les employés des raffineries et de l’approvisionnement en carburant ont également l’intention d’adhérer à la vague revendicative. La branche chimique de la Confédération générale du travail (CGT) a appelé au blocage des installations pétrolières –raffineries, terminaux pétroliers et réservoirs de carburant– pendant 96 heures, pendant la période du 7 au 10 janvier.
«Macron déclare la guerre à ceux qui rejettent la réforme»
Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a réagi très négativement à l’allocution de fin d’année de Macron. « Il faut plus de grèves partout. Il faut que le signal d’alarme soit fort », a-t-il déclaré.
Jean-Luc Mélenchon, le leader du mouvement de gauche France intransigeante (LFI), a qualifié l’intervention de Macron de « déclaration de guerre » à ceux qui rejettent la réforme.
«Ce n’étaient pas de bons vœux et une déclaration de guerre à des millions de Français qui rejettent sa réforme», a écrit dans un message sur son compte Twitter le député et ancien candidat présidentiel.
Selon Mélenchon, « le reste du discours était faux et creux », une approche partagée par d’autres politiciens, de gauche comme de droite.
Selon le député et membre de la LFI Éric Coquerel, Macron « ne comprend toujours pas le peuple » et ce sont les grèves et les mobilisations qui le conduiront à le comprendre.
Comme Mélenchon, Coquerel a estimé que le président vit dans « un monde merveilleux et étranger à la réalité », c’est pourquoi «les gens se mobiliseront encore plus pour remettre ce président à sa place, qui manque résolument d’humilité».
Les porte-parole du Parti socialiste (PS), où milite l’ancien président François Hollande, mentor de Macron, et qui a lancé certaines des réformes mises en place par l’actuel Mandataire, se sont joints aux critiques.
Olivier Faure, chef du PS, a demandé au pouvoir exécutif français de retirer la réforme. Il est temps de repartir de zéro, d’ouvrir une véritable négociation qui compare les solutions permettant de nouveaux droits sans régression, a déclaré Faure au journal Libération.
Le journaliste Fernando Aguirre Ramirez a indiqué que “entre la rebatinga et les coups de poing des syndicats et de l’opposition, le gouvernement de Macron a été politiquement et moralement affaibli et son projet vacille face aux nombreuses oppositions”, a indiqué le journaliste.
Crise qui bat des records
La grève et les arrêts provoqués par la réforme des retraites, qui dépassent déjà 30 jours, ont les bulletins de vote pour devenir la plus grande crise sociale de l’histoire contemporaine de la France, puisqu’il est plus grand que celui qui a paralysé la nation européenne pendant 28 jours en 1995, lorsque le Premier ministre libéral Alain Juppé, –sous la présidence de Jacques Chirac–, a présenté une réforme sur le système de retraite.
Juppé a finalement été contraint de renoncer à l’initiative, mais cela n’a pas empêché que, lors des prochaines élections législatives, les conservateurs perdent et les socialistes prennent le pouvoir en cohabitation avec Chirac.